Gynécologie non oncologique
De l’image à la clinique
Publié le 01 jan 2019Lecture 8 min
Confrontation entre échographie préopératoire et chirurgie
Thierry HAAG, MED’WELL INSTITUTE, Vichy
La finalité de toute imagerie préopératoire est l’approche la plus fine possible du diagnostic pour une stratégie opératoire initiale de qualité. L’échographie, dotée de ses nombreux outils, est capable à elle seule d’aborder l’ensemble de la pathologie utéro-ovarienne. C’est l’élément préalable indispensable, et souvent le seul, du bilan préopératoire pour une chirurgie réfléchie et préparée. Très rarement insuffisante ou incomplète, elle permettra l’orientation de la patiente vers un autre type d’imagerie, essentiellement l’IRM.
Prévenue de toutes les éventualités peropératoires (correction du diagnostic, conversion de la voie d’abord ou adaptation de l’acte chirurgical lui-même), la patiente dispose d’un contrat moral et médico-légal clair.
L’approche volumique et, plus récemment, l’élastographie ont ouvert la voie à l’imagerie écho-endoscopique et à la « palpation numérique ». Nous accédons ainsi à l’intérieur même de la lésion kystique ou de la cavité endométriale sans être invasif, et à la palpation indirecte des lésions, au sens hippocratique du terme.
Cette finesse d’examen est telle que nous passons progressivement d’un diagnostic positif, descriptif, parfois grossier, à une véritable présomption de la nature du processus histologique.
L’étude initiale de la lésion devra pourtant se faire sans aucun a priori sur le résultat histologique et ce, quelle que soit notre expérience, car les pièges sont nombreux. Notre démarche consistera en une analyse descriptive extrêmement précise en 2D (taille, paroi, végétation, locularité, épanchement intrapéritonéal, vascularisation, etc.) avant d’aborder l’étape suivante, avec deux outils particulièrement performants : l’approche volumique et l’élastographie.
L’approche volumique
Cette approche apporte un autre regard, complémentaire, par un repérage anatomique simplifié puisque nous disposons simultanément du volume, de ses trois plans de référence, et de tout le temps nécessaire pour travailler ensuite sans gêner la patiente. La possibilité de sauvegarde des volumes permettra une étude secondaire, identique à celle du temps réel et offre la possibilité de faire appel à un référent.
L’exploitation du volume se fera (figure 1) :
– soit par navigation dans le volume, qui révèle parfois une paroi non visualisée en 2D (possibilité de KIP pour le chirurgien), une épaisseur et une irrégularité mal définies, une végétation qui peut tout changer, des cloisons dont l’épaisseur, la disposition et la souplesse s’expriment différemment. La zone ovarienne fonctionnelle restante est mieux repérée et quantifiée. La proportion entre les structures internes du kyste est clairement établie ;
– soit par l’analyse en mode surfacique et c’est une véritable révolution dans l’approche des lésions kystiques.
Nous accédons ainsi à la « kystoscopie virtuelle ». Cette kystoscopie est extrêmement précise et les aspects décrits sont superposables à ceux retrouvés lors de la cœlioscopie. Installés à l’intérieur même de l’image kystique, nous pouvons, à souhait, prendre le temps d’une analyse exhaustive (figures 2 et 5 à 8).
Figure 1 : Navigation multicoupes.
Figure 2 : Kystoscopie virtuelle.
Figures 5 et 6 : Végétation en surfacique et végétation aspect macroscopique. L’aspect endoscopique virtuel de la végétation est superposable à l’aspect macroscopique.
Figures 7 et 8 : Kystoscopie virtuelle visualisant parfaitement la surface interne de la paroi avec replis et la végétation. La kystoscopie peropératoire est parfaitement corrélée à l’image échographique.
• La kystoscopie corrige facilement le diagnostic devant un aspect de pseudo-végétation ou de cloison, mimée par un simple caillot ou son organisation fibrinaire (figures 3 et 4).
Figures 3 et 4 : Aspect trompeur de cloison, facilement corrigé par 3D surfacique (organisation fibrinaire).
Rappelons qu’environ 10 à 15 % de nos cœlioscopies sont réalisées pour des images fonctionnelles dont l’aspect échographique initial peut égarer le diagnostic (figures 5 et 6).
• L’étude de la vascularisation bénéficie également de cette approche 3D (figures 9 à 12).
• De même, la pathologie endométriale bénéficie de cette approche volumique et une véritable hystéroscopie virtuelle, magnifiée par le contraste liquidien, précèdera l’hystéroscopie opératoire.
L’écho 3D permet la coupe frontale de l’utérus avec tous les avantages de celle-ci. Elle est très facilement obtenue à partir d’une coupe sagittale avec un angle de balayage suffisant (figures 13 et 14).
Figures 9 et 10 : Vascularisation plutôt périphérique des images fonctionnelles.
Figures 11 et 12 : Vascularisation en peigne à partir du hile pour les lésions organiques.
Figures 13 et 14 : Polype en coupe sagittale et frontale.
Toutes les lésions endocavitaires ou celles qui impactent la cavité sont facilement visibles (cartographie précise des polypes, des myomes endocavitaires et sous-muqueux) avec un grand nombre d’informations pour le chirurgien. Le myomètre et son épaisseur sont également bien visibles, ainsi que l’aspect du fond utérin et la portion interstitielle des trompes.
Indispensable dans le bilan des malformations utérines, elle fera facilement le diagnostic différentiel entre une cloison utérine (longueur de la cloison, distance de sécurité avec la séreuse pour la résection, information capitale pour le chirurgien, etc.) et un utérus bicorne.
La coupe frontale prépare également le geste avant la pose d’implants tubaires ou encore permet la vérification de la position d’un DIU.
L’exemple suivant est une parfaite illustration de la corrélation entre l’hystéroscopie virtuelle et l’hystéroscopie opératoire (figures 15 et 16).
Figures 15 et 16 : Hystéroscopie virtuelle et opératoire.
L’exploitation du volume en surfacique et multicoupes permet d’apprécier le volume d’un polype ou d’un myome, la localisation de son pédicule, la vascularisation, la jonction endomètre-myomètre, etc., autant d’informations indispensables pour le chirurgien (figures 17 à 19).
L’apport de ces endoscopies virtuelles nous place dans les conditions du réel opératoire. Notre diagnostic préopératoire gagne en sensibilité et spécificité, la stratégie opératoire initiale est ainsi mieux définie.
Figures 17, 18 et 19 : Polype en coupe frontale + rendu surfacique et son aspect peropératoire. Parfaite corrélation entre la représentation 3D/surfacique et la macroscopie.
L’élastographie
Ses balbutiements en gynécologie semblent prometteurs. Elle permet un « toucher échographique » par appréciation de l’élasticité des tissus. Après compressions successives, un code couleur, allant du bleu (dur) au rouge (mou), superposé à l’image 2D, détermine une cartographie précise des différences d’élasticité. Elle objective les modifications tissulaires et permet de suspecter toute désorganisation tissulaire précoce d’une structure envahie.
L’interprétation correcte des images nécessite donc, comme pour le 2D, la connaissance parfaite des modifications cycliques physiologiques.
Pour les kystes ovariens, toutes les informations utiles pour le chirurgien sont accessibles en échographie préopératoire (paroi ou non, structures internes, vascularisation, épanchement intrapéritonéal, etc.) sauf une, pourtant la plus importante à connaître : la notion de rupture capsulaire (figure 20).
Figure 20 : La capsule d’un ovaire sain et non adhérent est bien visible, soulignée par un liseré rouge.
Dans le cas suivant, la rupture capsulaire est suspectée devant la perte du liseré rouge. L’observation macroscopique confirme la rupture capsulaire avec une corrélation étonnante de précisions. La végétation endokystique est appréciée dans son volume, son implantation, sa localisation sur la paroi interne, mais aussi sa dureté (plus la végétation est importante, plus elle est vascularisée plus elle est molle soit rouge à l’élastographie, plus elle est suspecte) (figures 21 et 22). Chaque type de kyste organique présente un aspect particulier en élastographie, ce qui améliore la prévision du diagnostic histologique.
L’endométriome, par exemple, présente comme en 2D un aspect pathognomonique, mais l’élastographie apporte des informations complémentaires importantes : confirmation d’adhérences avec les organes de voisinage et leur surface. Le degré d’infiltration, particulièrement intéressant à connaitre dans les nodules de la cloison recto-vaginale, n’est pas toujours facile à mettre en évidence en 2D ; la cartographie couleur précise la profondeur de l’infiltration et ses limites avec le digestif (figure 23). La technique permet de distinguer un endométriome vieilli (clivage plus difficile, adaptation de la technique (vaporisation laser, KIP), toujours dans le plus grand respect du capital folliculaire – autant d’informations fondamentales pour le chirurgien – (figure 24).
Figures 21 et 22 : Végétation endokystique. Rupture capsulaire, aspect macroscopique.
Figure 23 : Endométriome jeune en élastographie.
Figure 24. Modifications de l’endométriome vieilli.
L’analyse élastographique de l’endomètre, nécessite également de bien connaître les modifications physiologiques cycliques pour bien interpréter. Elles sont superposables à celles observées en 2D. Ces différents aspects sont le reflet des modifications histologiques selon l’imprégnation estroprogestative (figures 25 à 27).
Figure 25a : Endomètre phase proliférative.
Figure 25b : Elastographie normale de l’endomètre au cours d’un cycle en fonction des modifications glandulaires.
Figure 25c : Endomètre phase sécrétoire.
Figures 26 et 27 : Polype glandulo-kystique en élastographie.
Les intérêts de l’élastographie dans ce domaine sont nombreux : le contraste liquidien n’est plus nécessaire pour le diagnostic initial de lésions endocavitaires, ce qui est particulièrement intéressant lorsqu’il existe peu de différence de contraste entre la lésion endocavitaire et l’endomètre normal (polype dans un endomètre en phase sécrétoire) ou si aucun vaisseau nourricier n’est visualisé, ou encore lorsque le col n’est pas cathétérisable chez certaines patientes ménopausées. Les modifications de la cartographie couleur indiquent d’emblée la lésion et apprécient même la nature du processus histologique.
L’élastographie permet également d’apprécier la qualité du myomètre. Si l’écho 2D et 3D est largement suffisante pour le diagnostic d’adénomyose ou de myomes (à l’exception des myomes volumineux ou multiples), elle est insuffisante pour dépister l’altération du myomètre et ses conséquences sur la fertilité. Le vieillissement ou l’altération de ses différents composants tissulaires modifient l’élasticité utérine et sa cartographie couleur.
Conclusion
L’approche volumique associée à l’élastographie offre de nouvelles perspectives. Bien sûr, les évaluations prospectives et multicentriques seront indispensables pour vérifier ces premiers résultats.
Notre diagnostic préopératoire s’ouvre maintenant, avec toutes les précautions d’usage, sur des « présomptions histologiques ».
La stratégie opératoire initiale est parfaitement préparée, réfléchie. L’acte chirurgical sera respectueux du capital folliculaire lors du traitement des masses ovariennes organiques bénignes, ou au contraire, indiquera la réalisation, en un seul temps, d’un geste radical dont la patiente aura été prévenue.
La meilleure façon de progresser consiste en la confrontation, par les échographistes et les chirurgiens, pour chaque cas, de leurs données pré- et peropératoires dans un premier temps, et avec les résultats anatomopathologiques ensuite.
Le dialogue est indispensable si l’on veut respecter la physiologie unique de chacune de nos patientes, préserver au mieux leur fertilité et leur intégrité anatomique.
La chirurgie se nourrit de la richesse des informations fournies par l’imagerie échographique et, en retour, les constatations peropératoires améliorent la compréhension des images.
Ainsi, il est temps et logique d’intégrer l’échographie vaginale dans la continuité de notre examen clinique car elle métamorphose cet outil en véritable lecteur d’anatomie ou de pathologie individuelle.
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