Gynécologie
Concordance des temps
Publié le 15 oct 2020Lecture 5 min
Charles THIBAULT (1919-2003) Sa contribution à la fondation de la Procréatique
« Ce que j’ai aimé dans la recherche, c’est la stimulation de l’imagination par l’échec. »
C. Thibault
L’année 2019 fut l’année du centième anniversaire de la naissance de Charles Thibault. Anniversaire silencieux nous incitant à nous rappeler qui fut Charles Thibault et d’écrire quelques lignes concernant sa contribution à la naissance de la Procréatique.
Parmi toutes ses activités de chercheur et d’administrateur, retenons celles de « Chef de département INRA de physiologie animale » (1964-1976) à Jouy-en-Josas, professeur de « Physiologie de la reproduction » à l’université de Jussieu Paris VI (1967-1988) et Président du CNRS (1979-1981). Charles Thibault a fait de ces lieux des sites attractifs pour tous ceux qui présentaient un intérêt touchant à la reproduction humaine.
Charles Thibault a contribué à la connaissance de la physiologie procréative par ses recherches sur la parthénogenèse des mammifères (1947-1949) et celles, en 1954, sur la fécondation in vitro de l’œuf de la lapine, recherches réalisées en collaboration avec Louis Dauzier (1914-1991) et Suzanne Wintemberger. C. Thibault a également joué un rôle important dans ces enseignements, et pas seulement dans ceux destinés à ses étudiants. Émile Papiernick (1936-2009) se souvient de son désir d’associer un laboratoire de recherche consacré à la « reproduction » humaine, en complément à son travail clinique médical ou chirurgical. Pour aboutir à cette réalisation, il décide, dans cette année 1971 de « redevenir étudiant » pour s’inscrire « à un Certificat d’études approfondies de biologie de la reproduction, auprès du grand chercheur C. Thibault, enseignant à la faculté des sciences de l’université de Paris-Orsay et responsable du laboratoire de physiologie de la reproduction de l’Institut national de la recherche en agronomie, l’INRA, à Jouy-en-Josas »(1). Dans ce haut lieu de la recherche et de la connaissance des mécanismes embryologiques, anatomiques, physiologiques de la procréation des mammifères, Papiernik fait la connaissance d’Ondine Bomsel-Helmreich du CNRS qui fondera, avec lui, « le nouveau laboratoire de physiologie humaine à Clamart » ; puis de Jacques Testart, qui viendra rejoindre l’équipe de Clamart et passera de chercheur à l’INRA à chercheur à l’INSERM. J. Testart, spécialiste de la fécondation chez les bovins, exerçait sous la direction de C. Thibault au laboratoire de Jouy-en-Josas, collabore avec René Frydman, ayant abouti en février 1982 à la naissance du premier « bébé éprouvette » en France. Dans cette histoire, C. Thibault est aussi bien présent dans les souvenirs de R. Frydman : « Nos connaissances sérieuses, nous les devions à Charles Thibault, un physiologiste français de réputation internationale. Il faut dire que tous les biologistes qui ont travaillé sur la fécondation in vitro : Jacques Testart, Jacqueline Mandelbaum, Michèle Plachot, sont d’une certaine manière ses enfants spirituels. Lorsque j’étais chef de clinique en 1978, je quittais l’hôpital, en courant comme toujours, trois après-midis par semaine, pour arriver à l’heure à la faculté de Jussieu afin de suivre ses cours sur la reproduction humaine. Charles Thibault avait le premier réalisé la fécondation in vitro chez la lapine en 1954 »(2).
Autour de Charles Thibault, nous rencontrons, par exemple au symposium d’Amboise en 1970, un autre chercheur qui n’est pas un inconnu dans le domaine de la reproduction humaine : il s’agit du physiologiste Robert Edwards (1925-2013) de Cambridge, qui collabore, depuis 1968, avec l’obstétricien gynécologue, Patrick Steptoe (1913-1988). R. Edwards fait des recherches sur la fécondation in vitro d’ovules humains, et Steptoe était également venu en France pour se familiariser avec la cœlioscopie et le cœlioscope inventé par Raoul Palmer (1904-1985) qui par sa technique, a joué un rôle fondamental dans le traitement de la stérilité féminine et de l’événement de l’Assistance médicale à la procréation. E. Papiernik se souvient de ces instants de l’enseignement diffusé par Palmer : « J’avais appris à soigner les couples stériles pendant ma formation, avec un enseignant extraordinaire, le docteur Raoul Palmer et il m’avait convaincu que d’immenses progrès était possibles... Raoul Palmer... avait soulevé tant de jalousie ou d’incompréhension par son invention révolutionnaire, que les vieux maîtres de la chirurgie n’avaient pas voulu de lui comme chirurgien des Hôpitaux de Paris ni comme professeur à la Faculté de médecine ». Raoul Palmer était « attaché vacataire » dans le service de chirurgie gynécologique à l’hôpital Broca à Paris. Papiernik était interne à Broca ; il nous informe sur l’ambiance régnant dans le service où exerçait Palmer : « ... j’ai été frappé par son incroyable rayonnement, et par quelque chose de plus. Il pratiquait des cœlioscopies pour déterminer l’origine des stérilités féminines dans une toute petite salle d’opération, loin du grand bloc opératoire dans lequel officiait le maître des lieux, le chef de service. Mais l’anomalie, c’est qu’il y avait une dizaine de stagiaires venus du monde entier qui se pressaient autour de Raoul Palmer et aucun stagiaire venu d’ailleurs ne venait voir ce que faisait le patron officiel ». Un autre témoignage concernant C. Thibault, celui de Jacqueline Mandelbaum : « Charles Thibault savait la grandeur et la servitude de la recherche : s’il avait été le premier à féconder l’ovocyte de lapin in vitro, il a fallu 25 ans pour que son équipe arrive à faire de même chez le bovin. Les premiers qui se sont lancés dans l’aventure de la FIV humaine du côté de la biologie étaient ses élèves »(3).
Charles Thibault, Raoul Palmer deux acteurs qui ont joué un rôle fondamental dans l’établissement des bases de la procréatique.
En 1984, C. Thibault a fait le lien entre la recherche fondamentale sur l’animal et la pratique médicale : « La fécondation in vitro de l’ovocyte humain et le transfert de l’œuf fécondé et divisé, qui ont permis la naissance de près de 1 000 enfants, n’auraient probablement jamais été réalisée sans les études faites depuis plus d’un demi-siècle sur les rongeurs et les ruminants »(4), tout en gardant à l’esprit que l’Homme est un animal, vertébré mammifère, possédant ses particularités, celles de son espèce d’Homo sapiens sapiens. Aussi, des recherches sur l’Homme peuvent-elles être appliquées à l’animal (l’étude des caryotypes chez l’Homme seront appliquées en zootechnie sur les taureaux reproducteurs).
Pour C. Thibault « La recherche est le plus beau des métiers, à condition de pouvoir l’exercer en toute liberté » ; et il regrettait, en 1996, que cette liberté lui soit retirée : « Si j’ai eu beaucoup de satisfaction durant ma carrière en initiant la formation de plusieurs groupes de recherches, je suis triste de voir l’orientation qui est donnée de nos jours au financement par contrat pour des objectifs imposés... et changeants ! Un organisme, constitué de fonctionnaires, donc déjà payés, devrait travailler sur des sujets novateurs, comportant des risques, et non pas sur des questions suggérées par les lobbies scientifiques du moment ou par des mots qui font tilt dans la tête des décideurs »(5). Combien ces phrases sont toujours, aujourd’hui, d’actualité(6).
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